L’accord national interprofessionnel (ANI) de 2016 a instauré l’obligation pour les employeurs du secteur privé de proposer et cofinancer une complémentaire santé à leurs salariés.
Le développement des « contrats collectifs obligatoires d’entreprise » prétendait généraliser l’accès à une protection complémentaire. L’évaluation précise des conséquences de cette réforme pour l’ensemble des Françaises et des Français n’avait cependant pas été faite. On dispose désormais d’une vision plus précise grâce à la publication de deux études, de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES).
Une fausse généralisation de la santé
Dès 2013, alors que l’ANI venait tout juste d’être signé, les Mutuelles de France ont dénoncé une fausse généralisation de la complémentaire santé et des dangers majeurs pour la solidarité.
Une note de la DREES de mai 2018 a confirmé tout le bien-fondé de cette analyse. On estime que 3,5 à 4 millions de personnes sont toujours privées de couverture santé complémentaire aujourd’hui. Si on constate une augmentation de +1,5 million de personnes couvertes par un contrat d’entreprise, il s’agit essentiellement d’un transfert depuis les contrats individuels, dont l’effectif global a connu une baisse de -1 million. Seulement 500 000 personnes supplémentaires auraient accédé à une complémentaire. La « généralisation » promise par le gouvernement de l’époque est donc bien loin.
Alors que la force de notre système de protection sociale réside dans son universalité, cette réforme a renforcé la segmentation en fonction du statut, à grands renforts d’aides publiques et parfois au détriment des salaires. Les personnes âgées, les chômeurs, les jeunes, les fonctionnaires ont été maintenus à l’écart. Cette réforme a de plus rétréci la liberté pour les salariés de choisir leur niveau de couverture au regard de leur besoins. Plus grave encore, la mise en place des contrats d’entreprise aurait contribué à réduire le bien-être des Française et des Français les plus fragiles.
La moitié de la population aurait vu son bien-être se réduire
Une étude de l’IRDES publiée en juin 2018 a offert un éclairage inédit en traitant le sujet sous l’angle du bien-être collectif. Il en ressort un constat terrible : les gains de bien-être des salariés qui bénéficient de la réforme, s’ils sont indéniables, sont contrebalancés par la perte de bien-être subie par les personnes couvertes par un contrat individuel. Selon l’institut, il y aurait 50% de perdants pour seulement 7% de gagnants. Les individus les plus fragiles, c’est-à-dire les plus pauvres et les plus âgés, seraient particulièrement concernés par une réduction de leur bien-être.
Les effets collatéraux des contrats d’entreprise qui apparaissent montrent toutes les limites d’un système où les aides pour l’accès à une complémentaire santé sont plus souvent attachées au statut plutôt qu’à la personne. C’est pourquoi les Mutuelles de France réclament une refonte des 10 dispositifs existants. Seul un dispositif unique et universel permettra de répondre aux besoins de toutes et tous.