Les délégués des Mutuelles de France, réunis en Congrès à Brest les 27, 28 et 29 octobre 2020 dans le strict respect des récautions sanitaires, analysant les conséquences de la crise de la COVID-19, considèrent qu’elle appelle une réorientation immédiate et radicale de la politique de santé. Il est urgent de rompre avec les pratiques antérieures, afin de protéger effectivement toute la population dans une perspective universelle et solidaire. Ils s’engagent à prendre toute leur part dans cette œuvre qui se fonde sur une Sécurité sociale de haut niveau, pour bâtir de nouvelles solidarités.
La pandémie de Covid-19 met au jour, dans notre société déjà fragmentée, les inégalités existantes et amplifie leurs effets :
D’un point de vue sanitaire, la pandémie a montré les limites de l’exercice libéral isolé de la médecine de ville. Le système de soins ne tient bon que grâce à la mobilisation exceptionnelle des personnels hospitaliers. Cela ne compense pas les impacts de deux décennies d’asphyxie financière des services publics, singulièrement de l’hôpital. Les économies décidées hier sur les systèmes de santé et de protection sociale ont aujourd’hui un coût humain et économique inacceptable.
D’un point de vue économique, le gouvernement, débordé par la situation, laisse le pays s’enfoncer dans la crise : le chômage augmente et plus d’1 million de personnes supplémentaires ont déjà basculé dans la pauvreté.
D’un point de vue social, les « premiers de corvées », principalement les femmes, assurent les besoins vitaux de la société dans les métiers du soin, de l’accompagnement, des services publics ou encore de l’alimentation. Ces métiers déconsidérés, mal payés et souvent sans statut, se révèlent primordiaux pendant la crise.
D’un point de vue démocratique et politique, la gestion hasardeuse et finalement autoritaire a sapé la confiance dans la parole publique. L’instauration d’une forme d’état d’urgence sanitaire sans fin va à l’encontre des principes démocratiques et contribue à museler les mouvements sociaux. Le nécessaire dialogue avec les représentants du peuple, la société civile et les corps intermédiaires n’est toujours pas d’actualité. Les messages approximatifs et parfois contradictoires, souvent culpabilisants, alimentent un climat de suspicion peu propice à la mise en œuvre d’une politique de prévention efficace, vivable et partagée.
Si la crise a mis en lumière les failles du système de protection sociale, c’est avec un cynisme consommé que le gouvernement en saisit l’opportunité pour accélérer son agenda libéral. Le choix qui est fait est clairement celui du retour « à l’anormal » et se résume à prendre des mesures pour faire payer les conséquences de la crise à ceux qui en sont les victimes, poursuivant le lent travail de détricotage du tissu social et de la solidarité. Le transfert de la dette « Covid » à la CADES conduit à reporter le financement des déficits presqu’exclusivement sur les ménages. La mise en place d’un « forfait urgences » présenté dans le PLFSS 2021, la nouvelle taxation des mutualistes en sont les illustrations les plus récente.
Dans cette situation, les combats portés, depuis l’origine, par la Fédération des mutuelles de France sont d’une brûlante actualité. Forts de cette expérience, les délégués appellent partout à conjuguer nos forces avec celles de l’ensemble du mouvement social, à entamer ou reprendre le dialogue avec les forces progressistes, à construire les alternatives permettant de placer la population en sécurité sociale.
Le système libéral est basé sur l’exploitation et l’injustice. Il affirme la primauté de l’argent sur les vies humaines. Il montre crûment dans cette crise qu’il demeure fondamentalement fermé aux valeurs humaines. C’est pourquoi, aujourd’hui, il ne s’agit plus d’interroger le modèle de développement dans lequel nous sommes, ni de le « relancer ». Il s’agit de travailler à son dépassement.
La pandémie doit nous inciter à porter notre regard au-delà de l’horizon immédiatement perceptible. Sur la base de notre savoir-faire mutualiste, de nos réflexions au long-cours sur l’accès à la santé et aux soins qui touche au plus essentiel de la condition humaine, sur notre exigence de faire reculer les discriminations de tous ordres dans une société percluse de clichés et de haines identitaires ; nous pouvons, si nous le voulons, contribuer utilement au travail de toutes celles et de tous ceux, nombreux, qui veulent une société solidaire, apaisée, démocratique et vivante, créatrice et accueillante.
Notre objectif, c’est une société plus juste, où l’emploi se développe, où le travail et la richesse sont équitablement répartis. C’est une société qui promeut des modèles économiques vertueux qui ne laissent personne de côté. C’est une société qui protège la liberté, qui s’organise pour garantir l’égalité.