La perte d’autonomie n’est pas seulement un drame humain, c’est aussi un problème majeur de société dont la prise en compte n’est manifestement pas à la hauteur des enjeux. 

La faiblesse de l’intervention publique, le nombre insuffisant de structures d’accueil, le montant excessif du reste à charge supporté par les familles, l’épuisement des soignants et des aidants sont quelques-uns des points noirs d’un dossier trop longtemps sous-estimé. 

L’état n’a pas cessé de se défausser sur les familles qui, en tant qu’aidants, mobilisent leur temps et souvent leur santé, sacrifiant une partie de leur pouvoir d’achat pour prendre soin d’un proche. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le prix moyen d’un hébergement en EHPAD est de 1 949 euros par mois quand le montant moyen des retraites est de 1 376 euros brut. 

Si rien n’est fait, cette situation ne peut qu’empirer. On prévoit ainsi qu’en 2050, les plus de 85 ans seront 5 millions. La prise en charge de la perte d’autonomie, estimée à 30 milliards d’euros, dont 6 milliards pour les familles, pourrait doubler d’ici trente ans. Cette perspective permet de situer l’ambition de celles et ceux qui proposent une nouvelle journée de solidarité dont le bénéfice atteindrait péniblement 2,5 milliards d’euros

Soyons sérieux ! La prise en charge de la perte d’autonomie mérite maintenant des réponses concrètes, solidaires et pérennes, garantissant à chacun des solutions dignes, et prenant en compte sa double approche sanitaire et sociale. Une personne âgée sur quatre déclare, en effet, être en situation d’isolement. Il ne s’agit donc pas seulement de soigner, mais aussi d’accompagner et de soutenir les personnes dans leur vie quotidienne.

REPONDRE AUX BESOINS

Pour pallier les carences des pouvoirs publics, en termes de financement notamment, le mouvement mutualiste a, pour sa part, pris des initiatives contribuant à répondre aux besoins des personnes en situation de dépendance. Outre des prestations réduisant le reste à charge des familles, les services de soins et d’accompagnement mutualistes (SSAM) apportent des réponses globales aux besoins. Ainsi, les Mutuelles de Bretagne à Guilers (29), ou Mutuelles de France Réseau Santé à Cruas (07) gèrent des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comportant une unité Alzheimer. De son côté, la mutuelle MIC-Réseaux de santé solidaire développe dans l’Oise des places d’accueil de jour dans les EHPAD pour permettre aux proches aidants de « souffler ». Dans le même esprit, en Corse, des soins dentaires sont assurés dans les EHPAD par un chirurgien-dentiste d’un centre de santé mutualiste. 

Au-delà de ces exemples, le mouvement mutualiste a su comprendre l’intérêt social des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD), assurant conjointement les missions d’un service de soins infirmiers (SSIAD) et celles d’un service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Ces dispositifs permettent d’intervenir de façon coordonnée dans l’environnement familier d’une personne en situation de dépendance, alliant soins et accompagnement social, et d’appréhender ainsi les particularités de la perte d’autonomie.

Sur le plan du financement, enfin, ce risque ne peut pas seulement relever de logiques assurancielles et les complémentaires, de même que les familles, ne peuvent rester indéfiniment un palliatif aux carences de l’état. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de soutenir le développement et le financement du secteur de l’autonomie des personnes âgées.  En cela, à défaut de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, la piste d’une assurance dépendance obligatoire financée par la solidarité nationale semble pertinente et mérite que le gouvernement s’y intéresse sérieusement en cessant de reporter des décisions désormais urgentes.

Dans ce domaine, comme dans d’autres, il est impératif de renouer avec une sécurité sociale de haut niveau dans laquelle chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

 

Patrice FORT

Vice-Président de la Fédération des mutuelles de France