L’article 39 du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2016 instaure une « protection universelle maladie » visant à la simplification des démarches et à assurer la continuité de l’affiliation des citoyens à l’Assurance maladie au-delà des changements professionnels et personnels.

Cet article présente également une série de mesures qui, sous couvert de simplifications, risquent de mettre fin à certaines spécificités du modèle de protection sociale héritées de la fondation de la Sécurité sociale. En effet, le texte introduit la possibilité de mettre fin à la gestion déléguée d’un certain nombre de régimes obligatoires par les organismes complémentaires afférents (étudiants, fonctionnaires, indépendants). Cette mesure porte atteinte à la spécificité de gestion construite historiquement par les fonctionnaires pour faire face aux risques professionnels spécifiques liés à leur statut, dans une logique de guichet unique.

L’habilitation de délégation de gestion a été créée par la loi et ne peut donc être modifiée que par voie législative, c’est-à-dire par un vote du Parlement. Néanmoins, l’article 39 prévoit, à compter du 1er janvier 2020, que cette même habilitation relèvera désormais du règlement, elle sera donc révocable par décret, une simple formalité gouvernementale en dehors du contrôle de la représentation nationale. « Les modalités de ces délégations et les conditions dans lesquelles il peut, au vu des résultats constatés, y être mis fin sont fixées par décret. ».

Sous couvert d’universalisme, il s’agit en réalité d’une remise en cause des modes de gestion des régimes de fonctionnaires et d’un contournement des prérogatives parlementaires. Au-delà de ce constat, cette mesure percute de plein fouet les dispositifs de protection sociale complémentaire spécifiques à la Fonction publique (référencement, labellisation et convention de participation).

Alors que la mise en œuvre de l’ANI porte un coup historique à notre modèle de protection solidaire, cette mesure apparait comme une remise en cause historique d’un modèle de gestion qui a pourtant su montrer son efficacité et toute la pertinence de son existence.

Voir le communiqué de presse de la MFP sur ce même sujet.

 

Actualisation : cet article a été rédigé avant passage en séance publique à l’Assemblée nationale. Grâce à la mobilisation du mouvement mutualiste et des mutuelles de fonctionnaires, en particulier, des points problématiques ont été modifiés :

– la notion d’habilitation pour les mutuelles de fonctionnaires d’Etat a été réintroduite,

– l’échéance de 2020 pour la fin des habilitations accordées à certaines mutuelles de fonctionnaires (hospitaliers et territoriaux) a été supprimée

– la compensation financière pour l’exécution des opérations de gestion est inscrite dans le texte

Les Mutuelles de France resteront attentives à ce que la suite des travaux parlementaires sécurise juridiquement la gestion mutualiste du régime obligatoire.

 

Voir le communiqué de presse de la MFP suite au passage du PLFSS en première lecture à l’Assemblée nationale.

 

Lors de leur audition par la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), le 4 novembre 2015, Thierry Beaudet (Président de la MGEN) et Serge Brichet (Président de la MFP) ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’article 39 du PLFSS malgré les évolutions apportées à l’Assemblée nationale.

Des zones d’ombre perdurent, créant une insécurité sur la gestion déléguée du RO :

  • le texte ne précise pas clairement que SEULES des mutuelles de fonctionnaires sont aptes à gérer le RO des fonctionnaires,
  • la notion de gestion déléguée est cantonnée à la gestion des prestations alors que d’autres prestations, et notamment de prévention, sont réalisées dans ce cadre,
  • la notion de « défaillance » pouvant engendrer  la fin de la délégation de gestion est non définie dans le PLFSS (le décret devra préciser cette notion),
  • le régime des « ayants-droit » n’est pas clarifié. Si l’on s’en tient au texte actuel, 150 000 ayants-droit affiliés au RO de la MGEN pourraient rejoindre le régime général.

Concernant ce dernier point, le Président de la MGEN plaide pour laisser la liberté de choix aux assurés en avançant le degré de satisfaction des adhérents MGEN  quant à la qualité de la gestion mutualiste du RO  (un taux de 90%). En outre, les coûts de gestion sont, selon lui, de même niveau que ceux de la CNAM-TS.