Cet été, une demi-douzaine de services d’urgence a dû fermer ces portes faute d’effectifs suffisant pour assurer les soins (sur les 650 que compte l’Hexagone). Selon le centre de gestion du personnel hospitalier, 389 postes étaient vacants fin juin. Les syndicats d’urgentistes sont immédiatement montés au créneau pour demander que des recrutements soient effectués afin de palier cette carence.

La réponse donnée par le directeur de l’ARS Nord-Pas-de-Calais Jean-Yves Grall à cet épisode estival est autre. Dans un rapport remis fin juillet au Ministère de la Santé, il estime qu’il faudrait « éviter la présence inutile de médecins [urgentistes] lors de périodes de faible activité ou sur des structures à faible activité globale ». Il préconise ainsi que « certains petits services d’urgence à faible activité [inférieure à 8 000 ou 10 000 passages par an] pourraient évoluer et être transformés en centres de soins non programmés », c’est-à-dire être transformés en centres de « consultations médicales sans urgentiste et sans rendez-vous ».

Selon les données issues de la base de données Hospi Diag recueillies par le Figaro « 67 [services d’urgences] connaissent une affluence inférieure au seuil de référence des 10 000 personnes par an, soit 1,1 patient par heure ». Ainsi, selon les préconisations du rapport, ces 67 services s’urgences pourraient être restructurés, transformés ou tout simplement voués à disparaitre.

C’est une nouvelle fois la question de la territorialisation de l’offre de soins qui est posée dans le débat public. La Fédération des mutuelles de France défend une médecine de premiers recours de proximité où le médecin traitant demeure le pilier central du parcours de soins. Cependant, il est indéniable que l’accès à l’hôpital public en général et aux urgences en particulier jouent un rôle majeur dans l’organisation du système de soins pour réduire les inégalités de santé. En effet, les urgences sont souvent l’entité vers laquelle se tournent des publics en difficultés sociale et financière. La disparition d’un dixième des services d’urgence conduirait donc à une crispation territoriale et à un engorgement de services de plus grande envergure bien souvent en sous-effectif. La difficulté de l’accès aux soins s’en trouverait amplifiée pouvant créer a minima un report de soins, au pire des situations dramatiques.

Si le rapport met en lumière une difficulté réelle, la Fédération des mutuelles de France s’oppose à la fermeture massive de services d’urgence, prémisse de la déconstruction de l’hôpital public. Le maillage territorial est aujourd’hui extrêmement lâche, un coup de rabot supplémentaire ne pourrait qu’avoir un impact critique sur l’accès aux soins. Les Mutuelles de France appellent à une réflexion sur l’articulation entre la médecine de ville et l’hôpital pour assurer une prise en charge adaptée des urgences réelles et des soins non programmés. Cette articulation doit reposer sur des synergies territoriales entre les professionnels de santé et le renouvellement des modes d’organisation du travail.

Le Ministère de la Santé s’est voulu rassurant « il n’y a pas de liste des services d’urgence menacés de fermeture ». La Fédération des mutuelles de France restera vigilante sur les suites de ce dossier puisque les Echos en date du 1er septembre annonce que le gouvernement promet « un plan d’action sur la base du rapport Grall ». Cette annonce est l’occasion de rappeler que le candidat Hollande, lors de la campagne de 2012, promettait l’accès aux urgences en moins de 30 minutes. Annonce qui a été réitérée lors de son déplacement à Vesoul, le 14 septembre 2015, sur le thème de la ruralité. A cette occasion, le Président projetait de « former 700 personnels d’urgence et installer des médecins en milieu rural » sans toutefois détailler un plan d’action. Et on peut douter de la mise en œuvre de cette mesure alors que la progression de l’ONDAM hospitalier sera encore trop faible cette année et que de nouvelles économies seront demandées aux hôpitaux publics.