Aujourd’hui, les contrats collectifs d’entreprise bénéficient d’aides fiscales et sociales qui atteignent 3,5 milliards d’euros, alors que les chômeurs de longue durée, jeunes précaires et retraités n’ont droit à aucune aide.

Pour les retraités, auparavant couvert par un contrat obligatoire, l’augmentation du tarif, la perte de la participation de l’employeur et des aides fiscales et sociales dont bénéficient les contrats collectifs, peut générer la multiplication par 3,5 du coût de leur contrat santé – (passage de 283 à 998 euros par an, en moyenne, pour des garanties comparables).
Pour un chômeur de longue durée, le coût d’une même couverture est, en moyenne, 2,4 fois plus élevé que celle d’un salarié, soit 665 euros.

Les dispositions du PLFSS

Lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2016, le gouvernement a annoncé 3 dispositifs pour favoriser l’accès des retraités et travailleurs précaires à la complémentaire santé :

  • un « chèque santé » pour les travailleurs précaires,
  • une évolution de la loi Évin relative au tarif des complémentaires des salariés quittant l’entreprise,
  • un appel d’offres pour les contrats santé des 12 millions de personnes de plus de 65 ans.

 

Après l’ANI et l’appel d’offre ACS, une nouvelle attaque contre la solidarité

Comme pour l’ANI ou encore l’appel d’offre ACS, le gouvernement fait le choix de modifier en profondeur notre système de protection sociale sans concertation ni débat. Alors que le gouvernement ne parle que de « dialogue social », il choisit ici encore le passage en force. Nous nous opposons avec force à toute segmentation des risques et des individus et à la généralisation des appels d’offres dans le cadre de la complémentaire santé.

La superposition des dispositifs attaque les fondements solidaires de notre système de protection sociale

Ils compartimentent les populations, empêchant ainsi les mutuelles de mutualiser les risques entre les jeunes et les personnes âgées, les malades et les biens portants ou encore entre les actifs et les retraités. Cette dérive conduit à une assurantialisation de plus en plus importante des règles de la complémentaire santé et accroit les injustices sociales, les inégalités d’accès et les renoncements aux soins. La mise en oeuvre de dispositifs catégoriels instaure des droits différents voire aucun droit selon l’âge, le statut, le revenu. Ces dispositifs qui deviennent illisibles pour la population génèrent des effets de seuil, des ruptures de droits.

Ce projet d’appel d’offres ne traite pas le mal mais le symptôme

Les appels d’offres remettent en cause la liberté de choix des individus en matière de complémentaire santé, tant du point de vue du choix de l’opérateur que de celui du niveau de couverture.

Avec les mesures qui viennent d’être annoncées, et notamment le dispositif d’appel d’offres, nous sommes loin de la généralisation de la complémentaire santé promise pourtant par François Hollande, en 2012, à l’horizon 2017. Jeunes précaires et chômeurs de longue durée sont les oubliés de ces mesures. Aucun droit nouveau n’est prévu pour les fonctionnaires.

Ce projet d’appel d’offres ne traite pas le mal mais le symptôme. Les problèmes d’accès à la complémentaire viennent avant tout de son coût. Son renchérissement est consécutif au repli de la prise en charge de la Sécurité sociale sur les soins de ville notamment, du poids des taxes sur les contrats complémentaires santé, passée de 13 à 76 euros par contrat entre 2008 et 2012. Ces difficultés sont également liées à la moindre mutualisation du coût du risque assuré qui s’est opérée au fil des années avec la montée en charge des contrats collectifs obligatoires.

Ce projet d’appel d’offres n’entraînera en réalité qu’une baisse artificielle des prix à court terme par des opérateurs souhaitant développer leurs parts de marché. Cette baisse sera à l’origine d’une nouvelle segmentation entre les retraités selon leur âge et/ou leurs revenus. Une offre sélectionnée sur un prix moyen pénalisera lourdement les retraités les plus fragiles. A moyen terme ces opérateurs procéderont inévitablement à un rattrapage de leurs tarifs, faisant de cette mise en concurrence un marché de dupes.

En outre, cette procédure de mise en concurrence fragilisera l’ensemble des familles de complémentaires dont les marges ont été affaiblies par l’ANI, et ce sur un marché d’ores et déjà très concurrentiel. Cette fragilisation touchera en particulier les mutuelles qui ne sont pas en capacité d’équilibrer le risque santé avec d’autres risques.

Un impact alarmant

Les impacts économiques et en termes d’emplois (85 000 répartis sur l’ensemble du territoire) de cette mesure sont alarmants pour l’ensemble des mutuelles quelle que soit leur taille.

Ces impacts seront lourds de conséquences pour notre système de protection sociale en raison du caractère régulateur qu’a toujours assumé le mouvement mutualiste en complément de la Sécurité sociale.

Ils mettent en péril l’offre de soins de proximité que constituent, dans beaucoup de territoires, les centres de santé mutualistes. La France dispose d’acteurs non lucratifs qui jouent un rôle majeur et sont les garants de la prise en compte de l’intérêt des Français et de leur santé. C’est sa force et sa richesse.

 

 

Les propositions des Mutuelles de France

Les Mutuelles de France demandent que le débat sur le financement soit enfin à l’ordre du jour afin de renforcer notre protection sociale solidaire et refusent tous nouveaux transferts de charges.

Pour parvenir à une véritable généralisation de la complémentaire santé, trois préalables:
  • La remise en question de l’article 21 du PLFSS tel qu’il est proposé par les pouvoirs publics.
  • La remise du rapport sur la fiscalité des complémentaires santé, attendu depuis septembre 2014 est préalable à toute réforme de fond.
  • La suppression des taxes sur les mutuelles pour permettre une baisse immédiate de leurs tarifs.

 

Les Mutuelles de France proposent de réformer en profondeur le système d’aide à la complémentaire santé par la mise en oeuvre d’un mécanisme plus lisible et efficient avec l’objectif d’attribuer à chacun une aide adaptée pour accéder à une complémentaire santé. Ce système unique d’aide permettrait de mettre fin à l’injustice sociale que constituent des aides très majoritairement attribuées aux contrats collectifs obligatoires. Cette mesure permettrait, de plus, de limiter le coût des aides publiques tout en aidant de manière équitable l’ensemble des personnes qui en ont besoin.

Une véritable généralisation de la complémentaire santé passant par une remise à plat de l’ensemble des dispositifs permettrait de :
  • Faire baisser le renoncement aux soins pour raisons financières.
  • Réduire le poids de la complémentaire santé dans le budget des retraités et des précaires.
  • Renforcer la solidarité intergénérationnelle, seule garante de la mutualisation des risques.
  • Renforcer la place des acteurs non lucratifs et leurs 85 000 salariés dans le secteur de la protection sociale.