La crise que traverse notre système de protection sociale solidaire ne peut être résumée à une crise des dépenses en constante augmentation comme présentée par la formule cinglante « du trou ». Le manque structurel de recettes explique avant tout les difficultés actuelles du modèle. En 2014, le taux de prélèvements obligatoire atteignait 44,9% du PIB (contre 40,1% en 1980). Parallèlement, les besoins sanitaires et sociaux se sont accrus avec l’allongement de la durée de vie et les nouveaux défis de santé à relever.
Les Mutuelles de France rappellent que proposer une réforme du financement de la protection sociale c’est avant tout réaffirmer un choix de société. Nous recommandons de sortir de la vision bien trop souvent présentée dans le débat public des dépenses de santé comme un coût porté par la société. Une protection solidaire et universelle de haut niveau est avant tout un outil de redistribution sociale. Les richesses produites collectivement doivent servir l’intérêt général. L’assise des cotisations finançant la protection sociale sur la seule masse salariale ne correspond plus à la réalité de la production de richesse dans notre société.
La Sécurité sociale, le seul outil solidaire garantissant l’accès aux soins de tous
Depuis une trentaine d’années la prise en charge de l’Assurance maladie obligatoire n’a de cesse de reculer au nom de la réduction du « trou » de la Sécurité sociale. Sous l’effet des différentes mesures de déremboursements, d’instauration de franchises, la Sécurité sociale a été fragilisée.
Ce recul de la solidarité nationale a un impact direct sur la santé des Français. Aujourd’hui, la Sécurité sociale ne couvre plus que 75,7% des frais de santé, selon les comptes de la santé de la DRESS en2010. Conséquence directe, 16,2% de la population métropolitaine âgée de 18 à 64 ans déclare avoir renoncé à certains soins pour raisons financières en 2010. Dans ce contexte, la non-affiliation à une complémentaire, devenue indispensable pour accéder aux soins, est un facteur important du renoncement : un tiers (32,6 %) des personnes non couvertes déclarent avoir renoncé, contre 20 % des bénéficiaires de la CMU-C et 14 % pour les bénéficiaires d’une complémentaire santé.
La Sécurité sociale a besoin que l’on consolide et diversifie ses ressources afin de renouer avec l’universalité du système de soins.
Les propositions des Mutuelles de France
Redonner toute leur place aux cotisations sociales versées par les entreprises
Les cotisations sociales sont l’élément constitutif du salaire socialisé outil de la redistribution des richesses et garant d’une protection solidaire. La part des ménages dans le financement du régime général s’est considérablement accrue depuis les années 80 pour atteindre 43% en 2011 soit à peu près autant que celle des entreprises (48,3%) qui ont vu, elles, leur part décliner de plus de 15 points entre 1983 et 2010. Historiquement, les entreprises étaient le principal financeur de la Sécurité sociale.
Les allègements de cotisations consentis aux entreprises renforcent la pression sur le revenu des ménages. Il est temps de rompre avec le transfert organisé du financement des entreprises vers les ménages. Les cotisations sociales doivent rester le mode de financement prépondérant de la Sécurité sociale.
Supprimer les différentes niches fiscales
Elles constituent un manque à gagner pour la protection sociale solidaire (épargne salariale, intéressement, primes des fonctionnaires).
Des cotisations employeurs assises sur toute la valeur ajoutée
Faire cotiser les employeurs sur la seule masse salariale exonère les produits de la rémunération du capital. Ceci est d’autant plus injuste et inefficace que la rémunération du capital n’a cessé de croitre au détriment de celle du travail. C’est ainsi qu’une iniquité forte se crée entre les entreprises fortement capitalistiques ou celles plus intenses en main d’œuvre dans leur financement de la protection sociale. Pour illustrer cette distorsion :
- l’industrie pétrolière très fortement capitalistique et aux profits colossaux ne contribue que de l’ordre de 3% (à hauteur de sa masse salariale) au financement de la protection sociale
- l’hôpital dont la masse salariale représente 60% de son budget contribue de cet ordre là alors même qu’il ne réalise que peu de profit …
- l’extension de la cotisation employeurs à la totalité de la valeur ajoutée produite par l’entreprise permettrait outre un accroissement des recettes, de rétablir une équité entre les entreprises. Il s’agirait également de recréer un modèle solidaire où la création de richesses soutiendrait la progression du financement de la Sécurité sociale.
Supprimer les taxes sur la santé
La hausse des taxes renchérit le coût de la complémentaire santé, au risque d’une démutualisation des Français les plus précaires et génère un accroissement du renoncement aux soins.