L’Accord National Interprofessionnel signé le 11 janvier 2013 prévoit parmi d’autres mesures, une généralisation des contrats obligatoires de complémentaire santé pour les salariés des entreprises privées. Ce changement modifie en profondeur notre modèle de protection sociale.

Les Mutuelles de France rappellent que cet accord a été signé sans que les représentants des organismes complémentaires n’aient été invités à la discussion, ou ne serait-ce qu’auditionnés. Fort de son expertise dans la couverture santé et l’accès aux soins, le mouvement mutualiste ne peut pas être considéré par les partenaires sociaux comme un simple « distributeur » de couverture santé.

La force de notre système de protection sociale actuel réside dans son universalité. L’accès au droit ne doit exclure aucune personne de la prise en charge solidaire et collective. C’est cette universalité qui est garante de la solidarité. Néanmoins, cette conception du droit commun est mise à mal par le morcellement des prises en charge en fonction du statut : ANI pour les travailleurs salariés, ACS pour les précaires, CMU pour les plus précaires …

Les contrats collectifs, un outil au service du recul de la prise en charge par la Sécurité Sociale des dépenses de santé.

Il résulte de cette logique un système à deux vitesses dans lequel la protection sociale est liée au contrat de travail et laisse sur le coté 4 millions de personnes. On s’éloigne donc du principe fondateur de la Sécurité sociale : « on cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Les Mutuelles de France ont dénoncé dès le début les dangers de l’ANI :

 

  • Les contrats groupes bénéficient d’exonérations sociales et fiscales considérables provenant directement de la diminution des recettes de la Sécurité Sociale. Aujourd’hui, ces aides représentent un coût pour l’État et la Sécurité sociale d’environ 7 milliards d’euros et devraient atteindre près de 10 milliards d’euros après la généralisation des contrats obligatoires prévue par l’ANI.

 

  • Les contrats groupes participent également à la dérégulation du système de santé. Les dépassements d’honoraires ont pu se développer en partie du le fait de la surenchère organisée au sen des contrats groupes. En effet, plus de 80% de ces contrats prennent en charge les dépassements d’honoraires contre moins de 30% des contrats individuels.

 

  • Les salariés du secteur privé constituent une population déjà largement couverte avant l’entrée en vigueur de l’accord, ils bénéficient pour 64 % d’entre eux d’un contrat de complémentaire santé collectif. Cette mesure ne sera donc pas de nature à faire reculer durablement le renoncement à la complémentaire.

 

 L’ANI sera insuffisant pour permettre une plus grande égalité dans l’accès aux soins

Une étude de l’Irdes, parue le 16 juillet 2015, vient appuyer ce que les Mutuelles de France dénoncent depuis la signature de l’ANI : si le gouvernement a osé dire « c’est la généralisation que l’on vous avait promise », c’est en réalité la généralisation pour la moitié d’ores et déjà la mieux couverte. Le taux de personnes sans complémentaire santé passerait de 5% à 4% après la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise. En tenant compte de la portabilité, ce taux pourrait descendre à 3,7%, sous réserve que l’ensemble des personnes concernées accepte la couverture complémentaire proposée, et 2,7% si la généralisation s’étendait aux ayants-droits des salariés et des chômeurs de courte durée. Ainsi, 400 000 personnes de plus seraient couvertes mais 4 millions restent sans complémentaire santé. Il s’agit des populations les plus précaires : les jeunes, les chômeurs et les personnes âgées.

 

 

Le droit commun comme réponse à l’érosion de la solidarité

Les Mutuelles de France réaffirment que l’amélioration réelle de la couverture des salariés et de l’ensemble des Français ne peut s’envisager qu’en renforçant le régime obligatoire de Sécurité sociale solidaire et universel et en cessant l’éparpillement de l’argent public dans des dispositifs toujours plus segmentant. 10 milliards d’euros d’aides publiques devraient être consacrées aux contrats collectifs après la généralisation des contrats obligatoires prévue par l’ANI soit 3 milliards d’euros supplémentaires pour couvrir 400 000 personnes supplémentaires ! A titre d’exemple, avec 2 milliards d’euros, 4 millions de personnes bénéficient de la CMU-C. Un redéploiement de l’ensemble des aides publiques à la complémentaire santé doit permettre d’assurer l’accès à une mutuelle pour tous en réduisant le coût pour l’État, mais aussi pour la Sécurité sociale.