A la fin des années 90, une personne sur quatre déclarait renoncer aux soins pour raison financière. Les Mutuelles de France se sont donc fortement engagées en faveur de la création de la CMU pour permettre l’accès de tous à des soins de qualité dans une logique de droit commun et de solidarité. Elles ont milité pour que sa mise en œuvre soit un levier d’amélioration de la couverture maladie obligatoire pour tous, à commencer par un relèvement des plafonds de remboursement dans les secteurs où la prise en charge est insuffisante et le renoncement important. Le financement par la solidarité nationale était donc le corolaire de cette mesure de justice sociale, un principe qui s’est étiolé au fil des années.

 

L’ambition universelle dévoyée

Pour répondre au couperet des effets de seuil, l’aide à la complémentaire santé (ACS), nouveau dispositif spécifique pour les plus modestes, a été créée en 2006 alors que le régime obligatoire continuait de s’éroder. En parallèle, l’Etat s’est progressivement désengagé du fonds CMU, laissant aujourd’hui reposer son financement quasi exclusivement sur les organismes complémentaires. Dès lors, la notion de solidarité nationale a été mise à mal.

Source: Rapport pour avis de M. Paul Blanc fait au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2008 – Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

 

Les Mutuelles de France ont, depuis plusieurs années, analysé le risque majeur de déchirure de notre tissu social. Des dispositifs qui se transforment en filets de sécurité pour les plus démunis, des mesures qui segmentent les populations en fonction de leur situation professionnelle, de leur statut, de leur âge ne produisent pas de réponse effective et entravent la mutualisation. Le droit commun est la seule option viable. En outre, ces dispositifs sont contraignants et s’imposent aux individus ce qui va à l’encontre de la liberté de choix, fondement des valeurs mutualistes.

 

Les Mutuelles de France ont dénoncé cette dérive aussi bien à l’occasion de la signature de l’ANI « généralisant » la complémentaire santé aux seuls salariés du secteur privé, que lors de la mise en œuvre de l’appel d’offres ACS bornant le choix des bénéficiaires à des offres présélectionnées. De manière plus récente, les Mutuelles de France ont dénoncé l’entêtement du gouvernement qui a créé, dans le PLFSS 2016, une neuvième voie d’accès spécifique à la complémentaire santé pour les plus de 65 ans.

 

Les Mutuelles de France demandent une remise à plat des dispositifs d’aides à la complémentaire

A moyens constants, une refonte globale des aides publiques – incluant la suppression des taxes sur les contrats mutualistes[1] – permettrait la mise en œuvre d’un dispositif unique et progressif d’aide personnelle à la santé plus lisible et plus juste. Il n’est pas acceptable que les aides publiques se concentrent essentiellement sur les contrats collectifs[2].

 

Une Sécu de haut niveau et une mutuelle pour tous

Il est urgent d’en finir avec les mécanismes de sélection et d’exclusion et de renouer avec les principes de solidarité et de justice sociale. La mutualité ne peut bâtir son intervention solidaire qu’aux côtés d’un régime obligatoire renforcé et basé sur des droits universels. En effet, le premier levier qui permet d’améliorer durablement l’accès aux soins de tous est la Sécurité sociale. Elle est la garante de la solidarité nationale et peut réguler de façon la plus efficace le système de santé. Elle doit être renforcée en stoppant en tout premier lieu la déconnexion croissante entre dépense de santé réelle et remboursement. Pour ce faire, il faut sortir la protection sociale de la spirale sans fin de l’endettement organisé depuis des années par les pouvoirs publics en créant des recettes supplémentaires (cf article sur le financement de la protection solidaire).

 

[1] Depuis 2008, les taxes frappant les organismes complémentaires ont été multipliées par 20. Elles pèsent aujourd’hui plus de 13 % du montant des cotisations mutualistes.

[2] Dès 2004, la Cour des Comptes soulignait l’injustice et l’amplification des inégalités générées par les systèmes de redistribution des aides publiques, concentrées essentiellement sur les contrats collectifs obligatoires