L’Europe, l’ambition de la coopération

Alors que nous fêtons ce 9 mai, la journée de l’Europe, la crise pandémique que nous vivons depuis 18 mois invite à comparer notre situation avec l’ambition européenne telle qu’elle a été pensée : le discours de Robert Schuman qui appela à mettre « charbon et d’acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe », l’Union dans une démarche collective et coopérative.

Face aux enjeux vitaux du moment, la réponse européenne paraît en effet la plus pertinente plutôt que chaque Etat jouant le chacun pour soi, au demeurant tellement interdépendants qu’une démarche isolée est nécessairement vouée à l’échec. A ce titre, la question du vaccin, sans parler de de sa conception, est un cas d’école.

Indépendamment de la question ponctuelle des brevets des vaccins contre la COVID[1], pour lesquels le Président Américain, Joe Biden, et à sa suite plusieurs gouvernements européens, se sont positionnés ; la question d’une politique européenne des médicaments, structurée et durable, se pose.

L’Union européenne dispose déjà avec l’Agence européenne des médicaments (EMA) d’un outil pour travailler à une politique commune du médicament. Mais celle-ci achoppe sur plusieurs contraintes législatives et formelles. La première et la plus importante est le mode de négociation des prix entre Etats et entreprises pharmaceutiques. Dans le cadre actuel, chaque pays négocie individuellement :

  • Un prix facial (celui sur la boîte) devant respecter ce que l’on appelle le « référencement international des prix faciaux » s’appliquant à plus de 50 pays dans le monde,
  • Et un prix officieux, liés à des remises négociées secrètement entre le pays et l’entreprise.

Les Etats n’ont donc aucune information précise sur les prix réels dans les autres pays – à la différence de l’industriel qui, lui, a une vision très claire de son marché mondial. Chaque Etat se retrouve ainsi dans un rapport de force inégal dès le départ de la négociation, en raison de cette dissymétrie d’information.

Faire une Europe de la Santé maintenant

Face à ce chacun pour soi, une vraie Europe de la santé passerait par un pôle public du médicament et des produits de santé au périmètre européen.

Cette nouvelle structure s’appuierait sur l’Agence européenne du médicament et profiterait d’une recherche déjà largement financée sur fonds publics : en amont par l’aide à la Recherche et au Développement et en aval par le remboursement des produits de santé par les systèmes de protection sociale.

Ce pôle permettrait d’assurer une information publique, transparente sur les médicaments, les dispositifs médicaux et leurs effets. Il s’agirait également d’assurer la continuité de la production de médicaments essentiels pour lesquels il existe des tensions d’approvisionnement, et le cas échéant, d’approvisionner, de stocker et de distribuer des médicaments sur le territoire européen.

D’un point de vue politique, il s’agirait non seulement de négocier des réductions avec l’industriel en utilisant un effet volume classique pour obtenir une remise sur la facture, mais surtout de mettre fin à la logique de fixation asymétrique des prix. Plus largement, cela contribuerait également à réorienter les priorités de recherche dans un souci d’intérêt de santé publique et non de rendement financier. Il s’agit ainsi d’un levier pour faire sortir la santé, droit humain essentiel, de la logique marchande.

En mettant en place la transparence sur la recherche, son financement, les brevets qui en découle, nous entrerions dans un rapport de gestion démocratique du médicament, outil essentiel au service de la santé des populations et réaffirmerions ce principe essentiel : la santé est un droit !

Les Mutuelles de France

[1] Les Mutuelles de France s’engagent à ce sujet en soutenant l’Initiative citoyenne européenne « Pas de profit sur la pandémie ». Nous vous invitons donc à la signer sur https://noprofitonpandemic.eu/