Entretien réalisé par Jean-Philippe MILESY pour l’Humanité le mardi 5 janvier 2016.

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Pour la responsable mutualiste, la généralisation 
de la couverture complémentaire multiplie les niveaux 
de protection sociale.

Quel regard porte votre fédération sur l’accord qui généralise la couverture santé à tous les salariés ?

Pascale Vatel La FMF a réagi dès la conclusion de l’ANI. Nous vivions déjà un recul constant de la couverture des soins par la Sécurité sociale car le taux de remboursement, hors longue maladie, n’atteint pas les 50 % rendant nécessaire une complémentaire sans laquelle les risques sont grands de renoncement aux soins. Nous sommes favorables à une généralisation de la couverture complémentaire mais notre fédération s’est toujours battue à la fois pour un niveau élevé de Sécurité sociale et pour un modèle marqué par le libre choix, la libre adhésion qui est à la base du mutualisme. Nous sommes opposés au développement des formes obligatoires. Cet ANI « minoritaire » contribue à la dénaturation de la Sécu en multipliant les niveaux de protection sociale. Il aggrave la segmentation de la population, réservant ses effets aux seuls salariés du privé, laissant les fonctionnaires, les jeunes, les chômeurs, les retraités hors de cette généralisation. Il n’existe que par des aides publiques, évaluées à près de 5 milliards d’euros, qui représentent une injustice car essentiellement affectées aux salariés du secteur privé, et un gaspillage au regard de ce que pourrait être un véritable investissement solidaire. Cet accord accélère la disparition de tout droit commun et porte atteinte à l’idée d’universalité dont se réclame pourtant le gouvernement.

 

Quelle appréciation qualitative peut être portée sur ces contrats collectifs que l’ANI tend à imposer ?

Pascale Vatel Avec la participation patronale, il est à craindre que ne se développent des contrats qui, à partir d’un socle médiocre, proposeraient des individualisations relevant en fait de surcomplémentaires. La Fédération des mutuelles de France et la Fédération nationale des mutuelles de France ont dénoncé ces pratiques, tout comme le recours de plus en plus répandu aux appels d’offres. Elles dénoncent le dispositif qui va être mis en place au bénéfice des retraités et qui va lui aussi créer des inégalités.

Ce sont toutes les aides à l’accès aux complémentaires qu’il s’agit donc de revoir : des aides aux personnes, pas aux entreprises. Nous réclamons la suppression des surtaxes sur les complémentaires mises en place par Nicolas Sarkozy, faisant passer le taux de 3,5 % à 13 %, et maintenues, contre ses engagements, par François Hollande.

 

Comment l’ANI et les décisions gouvernementales récentes bouleversent-ils le paysage de la protection sociale ?

Pascale Vatel Accord et mesures viennent réduire les marges des mutuelles et des dispositifs solidaires. Ils limitent les investissements pour les services mutualistes. Il en est de même pour les règles de solvabilité imposées par les directives assurances, acceptées dans leur temps par la FNMF mais toujours dénoncées par notre fédération. Ces règles conduisent à des concentrations de structures en affaiblissant les liens mutualistes à leurs adhérents.

La marchandisation en cours de la santé pèse essentiellement sur la Mutualité qui est, devons-nous le rappeler, un mouvement social.

Pascale Vatel La loi santé récemment adoptée, si elle impose le tiers payant, vient encore aggraver nos inquiétudes. Les moyens mis au service de la santé des patients vont diminuant, notamment pour les hôpitaux publics, marquant un fossé entre les orientations affichées et leur mise en œuvre.