Tous les trois ans, le congrès des Mutuelles de France permet de prendre du recul sur les actions du mouvement mutualiste et de définir collectivement les orientations à suivre. C’est aussi l’occasion d’approfondir les échanges avec les partenaires issus de l’économie sociale et solidaire, du monde syndicale et politique, pour partager des analyses et des propositions.

Cette année, le Congrès de Brest a la particularité de se dérouler dans un contexte marqué par la déconstruction accélérée de la solidarité, de même que par l’application renforcée des lois du marché au domaine de la santé. Les mesures gouvernementales allant dans ce sens sont nombreuses, bien qu’elles s’opposent à l’attachement sans équivoque de la population française aux principes, mais aussi aux mécanismes actuels de la solidarité.

L’un des enjeux pour les Mutuelles de France lors de ce congrès sera de réinventer leurs actions pour défendre la solidarité, mais aussi pour bâtir des solidarités nouvelles.

 

Agir dans une société fragmentée

Outre la remise en cause des dispositifs de solidarité, le contexte du congrès est marqué par une aggravation de la fracture sociale. L’individualisme n’est pas loin de prendre le pas sur la coopération et l’entraide, tandis que les inégalités éloignent les Français les uns des autres. L’accès à la santé, qui est malheureusement très différent selon le niveau de vie et l’endroit où l’on habite, est sans doute l’un des exemples le plus flagrant.

Au-delà des inégalités sociales et territoriales, des discriminations de tout ordre entravent encore davantage l’accès aux soins, et plus globalement l’accès aux droits. Elles nourrissent autant le renoncement aux soins des malades, que le refus de soins de certains professionnels de santé.

Le mouvement mutualiste, en tant qu’acteur global de santé, doit agir en tenant compte de toutes ces dimensions, à la fois sociales, territoriales et culturelles.

« Les politiques publiques ont montré leur incapacité à endiguer ces phénomènes qui détruisent le tissu social et font perdurer les inégalités qui en découlent (…) Or, on le sait, pour combattre les discriminations il faut d’abord analyser et comprendre comment cette segmentation de la société se produit, sur quels ressorts, à cause de quel système économique et social. »

 

Une crise démocratique profonde

Le contexte est également marqué par la défiance envers les institutions publiques et les corps intermédiaires. L’action collective traditionnelle est en partie discréditée. Les organisations mutualistes ne sont pas épargnées.

La responsabilité des pouvoirs publics dans la progression de cette défiance est très forte. A force de disqualifier les acquis sociaux et les mécanismes de redistribution, les gouvernements successifs ont remplacé le « vivre ensemble » par le « chacun pour soi ». A force de multiplier les réformes pour « libérer » le marché, ils ont en fait complexifié l’environnement juridique et économique au point d’étouffer les acteurs de la solidarité.

Si les structures traditionnelles sont remisent en cause, l’engagement reste malgré tout fort chez les Français. Plusieurs mouvements sociaux inédits ont permis de le mesurer. Dès lors, l’enjeu pour le mouvement mutualiste est de définir un nouvel espace d’engagement entre, d’un côté, les règles inhérentes à l’activité économique des mutuelles et, de l’autre, les nouvelles formes de mobilisation qui imprègnent le mouvement social.

 

Agir en mutualité

La Mutualité a la particularité de reposer à la fois sur des structures morales de droit privé et des structures militantes chargées d’histoire, qui en font aussi bien des acteurs économiques de premier ordre qu’une composante importante du mouvement social.

Ces « deux jambes » du mouvement mutualiste constituent une force indéniable, qui est autant une source de créativité et de progrès intarissable, qu’une garantie de toujours privilégier l’accompagnement humain face à la rentabilité ou le profit.

Dans le même esprit, la complémentarité entre les mutuelles du Livre II (qui jouent le rôle de complémentaire santé) et les mutuelles du Livre III (qui gèrent des établissements de soins) permet d’apporter une réponse globale et pérenne aux besoins de santé des Français. Cette spécificité du mouvement mutualiste et cette double expertise en matière de santé et de protection sociale devrait être mieux valorisée par les pouvoirs publics.

 

Conclusion

Le Congrès de Brest se déroule dans un contexte inédit et troublé. Il offre néanmoins aux Mutuelles de France une opportunité pour réinterroger leurs actions et construire des solutions nouvelles, afin de remplir leur vocation historique : être utile socialement.

« Sur la base de notre savoir-faire mutualiste, de nos réflexions au long-cours sur l’accès à la santé et aux soins qui touche au plus fondamental de la condition humaine, sur notre exigence de faire reculer les discriminations de tous ordres dans une société percluse de clichés et de haines identitaires, nous pouvons, si nous le voulons, contribuer utilement au travail de toutes celles et tous ceux, nombreux, qui veulent une société solidaire, apaisée, démocratique et vivante, créatrice, accueillante. »

 

N.B. Le Pré-rapport du congrès a été adopté par le Conseil d’administration de la Fédération des mutuelles de France le 17 décembre 2019. Son contenu précède la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Toutefois, les premiers éléments qui ressortent de cette situation exceptionnelle confirment tout le bien fondé des réflexions et des travaux déjà engagés. Ils feront l’objet d’une analyse complémentaire et seront au coeur des échanges lors du Congrès à Brest.