Les Mutuelles de France avaient alerté les groupements adhérents dès l’examen du PLFSS 2016 sur les dangers du dispositif spécifique de complémentaire santé pour les plus de 65 ans que souhaitait mettre en place le Gouvernement.

Il s’agit en effet d’un énième dispositif catégoriel qui poursuit la stratégie de segmentation de la complémentaire. Cette logique initiée par l’ANI est un véritable obstacle à la mutualisation des risques et à une prise en charge juste et globale des besoins de santé des populations.

Par ailleurs, les projets de décrets tels que dévoilés au mois de juillet dernier, faisaient peser un risque financier important sur les mutuelles dans un contexte économique déjà fortement contraint.

 

Pour rappel, nous dénoncions en juillet dernier ce dispositif en ces termes

La segmentation poussée à l’extrême

Ce décret pousse à l’extrême les logiques « d’hyper segmentation » des populations de 65 ans et plus en définissant des tranches tarifaires de 5 ans. Un tel découpage est incompatible avec la mutualisation du risque et la solidarité intergénérationnelle. A titre d’exemple, une de nos mutuelles, dont la part des adhérents de plus de 65 ans, est significative ne considère à l’heure actuelle que deux classes d’âge pour les retraités : 65 – 69 ans et 70 ans et plus.

Des tarifs injustes

La tarification prévue est largement inférieure à celle des garanties ACS à panier de soins équivalent ou supérieur. Cette situation s’aggrave avec la progression de l’âge. Cela conduirait donc les bénéficiaires de l’ACS à payer, pour une couverture équivalente, plus cher que des retraités plus aisés entrant dans des contrats labélisés. Le dispositif créera donc une situation d’inégalité au sein d’une même catégorie de population.

Risques dans l’équilibre de gestion de nos mutuelles

Alors que nous connaissons la fragilité économique des contrats issus de l’appel d’offres ACS, les tarifs proposés dans ce projet de décret leur sont encore inférieurs. Cela conduirait à créer des contrats structurellement déséquilibrés dès leur mise en place.

En outre, avec une évolution des cotisations indexée sur la progression de l’ONDAM, les mutuelles n’auront pas la possibilité de maîtriser leurs tarifs et seront dans l’obligation de constituer des provisions pour risques croissants accentuant encore le déséquilibre de ces contrats. Une sortie simplifiée du dispositif ne suffirait pas à sécuriser pour autant les mutuelles et ses adhérents.

En plus d’être insoutenable au plan actuariel, ce dispositif accentuerait donc le dumping tarifaire sur les offres santé, au détriment de la qualité de l’accompagnement que nous proposons aux adhérents.

 

Une offre allant à l’encontre des efforts de régulation poursuivis par les mutuelles

Les tableaux de prestations proposés par le projet de décret ne tiennent pas compte de la réalité des remboursements aujourd’hui pratiqués, notamment en hospitalisation, optique, dentaire et audioprothèse en proposant des prises en charge supérieures à la moyenne des tarifs observés. Ils vont, de plus, à l’encontre des politiques de régulation développées par les mutuelles pour maîtriser les restes à charge à travers, par exemple, le conventionnement hospitalier mutualiste sur la chambre particulière ou encore les réseaux de soins. De ce fait, ces contrats participeraient à la dérégulation de l’offre de soins tout en entretenant une dérive inflationniste des tarifs de certains professionnels ou établissements de santé.

Les dispositifs catégoriels successifs mis en place depuis 2012 ne permettent pas une couverture globale des besoins de santé de la population et fragilisent le modèle économique des mutuelles. Les projets de décrets soumis à discussions présentent des offres structurellement déséquilibrées et portent en eux des dispositions inflationnistes et délétères. Ils tireront vers le haut la facturation de certains professionnels de santé et contribueront à la dérégulation de notre système de soins, faisant fi de tous les efforts entrepris par les pouvoirs publics et les mutuelles.

Pour toutes ces raisons, les Mutuelles de France considèrent ces décrets inapplicables et inacceptables. Elles demandent aux pouvoirs publics de revenir sur un dispositif qui menacerait tant l’accès aux soins des seniors que l’équilibre économique des complémentaires solidaires, mettant ainsi en danger, à terme, l’accès aux soins de toute la population.

 

 


 

 

Dès lors, la FMF s’est mobilisée aux côtés de la Mutualité française lors de la consultation organisée avant l’été par la Direction de la Sécurité sociale pour dénoncer un dispositif inefficace et dangereux. Le 20 juillet dernier, le Bureau de la Mutualité française a décidé à l’unanimité de demander aux mutuelles de ne pas s’inscrire dans ce dispositif (cf. communique de presse FNMF du 20 juillet 2016).

Depuis cette consultation publique et la prise de position du Bureau fédéral, les pouvoirs publics n’ont pas réagi. Aucune réponse n’a été apportée aux arguments des mutualistes, ni sur l’injustice du dispositif, ni sur les risques économiques qu’il ferait peser sur les mutuelles qui s’y engageraient.

Les équipes de la Fédération suivent avec attention l’évolution de ce dossier et informeront les groupements adhérents des éventuelles actualités. Dans l’état actuel des choses, les Mutuelles de France maintiennent leur opposition à la mise en œuvre de ce dispositif et appellent à la vigilance des groupements.