Profondément enracinée dans le mouvement social comme actrice nationale de la santé, la Fédération des mutuelles de France est composée de 80 groupements mutualistes, proposant une offre globale de santé. Elle représente un réseau de près de 300 services de soins et d’accompagnement mutualistes.

Les Mutuelles de France s’attachent à promouvoir une protection sociale solidaire, basée sur une Sécurité sociale de haut niveau, pour toutes et tous en refusant toutes discriminations sur critères d’âge, de genre, d’état de santé ou de handicap. Elles privilégient la prévention, la participation de chacune et chacun et les relations de proximité.

Les Mutuelles de France partagent totalement l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé de la Stratégie nationale de santé (SNS) 2018-2022. Néanmoins, sans engagement en termes de financement ou de délai de mise en œuvre, elles craignent que les objectifs de la SNS demeurent de simples formules incantatoires.

En outre, les Mutuelles de France expriment leur désaccord avec certaines mesures proposées par la SNS et déplorent certains manques en termes de santé publique.

S’agissant de la réduction du reste à charge, les Mutuelles de France regrettent que la stratégie nationale revoit à la baisse les ambitions énoncées par Emmanuel Macron durant la campagne précédant l’élection présidentielle. En effet, cette ambition de reste-à-charge 0 ne porte plus que sur un panier de soins restreint en optique, dentaire et audioprothèse dont les niveaux de prise en charge et de qualité restent à définir.

Afin de garantir un réel accès aux soins, cet objectif de réduction du reste à charge doit être global et ne peut se limiter à ces trois champs toutefois prioritaires. Pour y parvenir, il est impératif d’engager une réflexion plus large sur l’amélioration de la prise en charge des frais de santé par la solidarité nationale et sur le retour à des tarifs d’ordre public.

L’ambition de RAC 0 ne deviendra réalité qu’à la condition de mettre en place une politique coercitive en matière de dépassements d’honoraires et de tarifs, source d’inégalités. A ce titre, « l’incitation à la modération » des dépassements d’honoraires contenue dans la SNS est bien en-deçà des attentes des Français. 1 Français sur 4 a déjà dû renoncer à voir un médecin en raison du coût de la consultation. Un retour à des tarifs opposables d’ordre public est nécessaire pour assurer l’accès aux soins de toutes et tous. Pour les Mutuelles de France, il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’intervenir pour organiser la trajectoire d’extinction du secteur 2, à un terme le plus proche possible.

Par ailleurs, les déclarations consistant à laisser penser aux patients que la réduction du reste à charge pourrait être atteinte sans augmentation des cotisations de leur complémentaire santé semblent irresponsables. Tout d’abord sans définition de plafonnement des tarifs, comment s’engager à un remboursement à 100 % ? Cela inciterait, par ailleurs, aux dépassements tarifaires.

Dans le contexte actuel, l’objectif d’atteindre un RAC 0 sur l’optique, le dentaire et l’audioprothèse sans augmentation de cotisations est inatteignable. Les contraintes réglementaires et l’évolution des dépenses de santé auxquelles s’ajoutent les diverses revalorisations de rémunérations des professionnels de santé pèsent lourdement sur les mutuelles. Elles ne disposent pas des marges nécessaires qui leur permettraient d’absorber de nouvelles dépenses sans les répercuter sur les cotisations de leurs adhérents.

Or, chaque hausse des cotisations renforce les difficultés d’accès à une complémentaire santé. C’est pourquoi, les Mutuelles de France demandent la suppression de toutes les taxes sur les mutuelles (contrats responsables). Cette suppression permettrait de baisser les cotisations des adhérents d’environ 13 % et faciliterait, ainsi, l’accès à une complémentaire santé pour toutes et tous.

Les Mutuelles de France partagent le constat énoncé dans la SNS sur la nécessité de lutter contre le non-recours aux droits. Elles se félicitent ainsi de l’objectif affiché de mise en œuvre rapide de la protection universelle maladie (PUMa) et seront très attentives à son effectivité. En revanche, elles se désolent que la SNS n’envisage pas de mesures plus ambitieuses pour renforcer l’accès à la couverture maladie obligatoire.

Les Mutuelles de France soutiennent l’automaticité de l’affiliation à la Sécurité sociale, à compter de 3 mois de résidence sur le territoire français.

Pour redonner à l’assurance santé complémentaire sa pleine dimension solidaire, la FMF prône la sortie des dispositifs catégoriels qui segmentent la population, créent de nombreuses situations de rupture et entravent la capacité de mutualisation. La corrélation entre statut de la personne et couverture santé s’est accrue avec la mise en place de l’ANI. Les aides publiques attachées au statut et non à la personne sont réparties de façon injuste et laissent sur le bord du chemin une grande partie de la population.

Les Mutuelles de France souhaitent la remise à plat du système actuel d’aides à l’accès à une complémentaire santé qui est coûteux, injuste et inefficace.

Pour favoriser l’accès de toutes et tous à la santé, les Mutuelles de France militent en faveur d’un dispositif universel d’aide à la couverture complémentaire santé qui s’attacherait aux besoins de la personne et non à son statut. Cela assurerait une plus grande lisibilité (permettant de diminuer le non-recours), davantage de justice dans l’affectation des aides publiques et la possibilité du libre choix de chaque individu.

Dans l’attente du remplacement de la CMU-c et l’ACS par un tel dispositif unique, les Mutuelles de France demandent la suppression de l’appel d’offres sur les contrats ACS, dispositif discriminatoire et inefficace. En imposant aux bénéficiaires de l’ACS leur organisme de complémentaire santé et leur couverture, ceux-ci sont privés de leur liberté de choix, et renvoyé à un statut d’assurés sociaux de seconde zone. Avec ce que l’on peut qualifier des « mutuelles pour précaires », la segmentation des populations a été accentuée, cassant un peu plus les solidarités au sein de notre système de protection sociale. En exigeant des opérateurs des prix toujours plus bas, il empêche les mutuelles de poursuivre dans de bonnes conditions le travail d’orientation et d’accompagnement de ces populations précaires dans le système de santé.

Pour combattre les inégalités territoriales en matière de santé, les Mutuelles de France exigent une politique plus incitative que celle inscrite dans la Stratégie nationale de santé. Pour lutter contre les déserts médicaux, il est impératif d’inciter à l’installation des médecins dans des zones sous dotées. Cela pourrait se faire en imposant le secteur 1 aux médecins s’installant dans des secteurs largement dotés médicalement. La remise en cause du numerus clausus est aussi un moyen de pallier le manque de médecins dans certaines régions.

Pour lutter contre les déserts médicaux, et assurer de façon efficace le virage ambulatoire, il faut garantir une meilleure articulation entre la médecine de ville et les hôpitaux. Néanmoins, la réflexion sur le virage ambulatoire ne doit pas justifier la poursuite de la politique d’austérité menée jusqu’alors dans l’hôpital public.

Les 3 milliards d’euros d’efforts demandés à l’hôpital entre 2015 et 2017 se sont traduits par des lits de proximité en moins, la fermeture de services et d’établissements ou la suppression de postes de soignants. Les nouvelles économies réclamées vont accroitre ces difficultés. Il est impératif de redonner à l’hôpital public les moyens d’agir à la hauteur de ses missions de service public. Aucune stratégie nationale de santé ne pourra se traduire dans la réalité quotidienne des patients sans investissement massif dans l’hôpital public.

Le développement de la pratique coordonnée de la médecine est une position défendue depuis plus de 40 ans par la mutualité. Les centres de santé, qui garantissent l’accès de toutes et tous à des soins de qualité (avec notamment la pratique du tiers payant généralisé ainsi que des tarifs du secteur 1 et maitrisés) sont une réponse efficace. C’est pourquoi, il est impératif de sécuriser leur modèle économique afin de permettre leur développement.

Enfin, s’agissant du tiers-payant, les Mutuelles de France réaffirment leur soutien à la généralisation. Affichée comme objectif de la précédente SNS, la généralisation a disparu de la stratégie 2018-2022. C’est pourtant un outil efficace de lutte contre le renoncement aux soins. Comme le souligne le rapport de l’Igas publié lundi 23 octobre 2017, le tiers payant sur la part relevant de l’assurance maladie obligatoire fonctionne sans difficulté notable. Pourquoi ne donc pas le généraliser immédiatement ? Les complémentaires santé qui travaillent depuis plusieurs mois à rendre possible une généralisation sur la part obligatoire et complémentaire auront elles aussi, très prochainement relevé tous les défis techniques. Le gouvernement n’ayant pas annoncé le retrait de cette mesure mais simplement son report, les Mutuelles s’inquiètent de ne pas la voir figurer dans la SNS 2018-2022.

Pour que la lutte contre les inégalités sociales et territoriales ne soit pas un vain mot mais se traduisent dans les faits, les Mutuelles de France souhaitent que les moyens alloués à la mise en œuvre de la SNS permettent la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses, structurantes et efficaces.