C’est le sujet dont tout le monde parle. Tantôt présentée comme le nouvel eldorado économique, tantôt comme une technologie capable de révolutionner le monde numérique, la Blockchain affole toutes les têtes. De quoi s’agit-il exactement ? Lors d’une manifestation dédiée à ce sujet, organisée le 7 mars dernier, la Mutualité Française a apporté quelques éléments de réponses.
Pour bien comprendre ce qu’est la Blockchain, il convient d’abord d’appréhender le contexte dans lequel cette technologie a vu le jour. Alors que la crise financière de 2008 a profondément ébranlée la confiance accordée au système bancaire international, un système de transactions alternatif, supprimant les intermédiaires, voit le jour l’année suivante sur internet. C’est la naissance de la crypto-monnaie Bitcoin, et l’apparition de la toute première Blockchain.
Cette technologie s’apparente à un grand livre de compte crypté. Puisqu’en son sein les échanges se font exclusivement entre pairs, la sécurité des transactions doit être garantie par un système de contrôle réciproque. Seuls les utilisateurs peuvent valider ou invalider les échanges. Chaque nouvelle transaction constitue ensuite un bloc crypté, qui vient s’ajouter aux blocs précédents, créant ainsi une chaîne. Cette « Blockchain » est accessible à tous, lisible dans l’ordre chronologique, comme un livre de compte. C’est cette lisibilité qui garantie la confiance au sein du réseau.
Quelle utilisation dans le domaine de la santé ?
Aujourd’hui, le principal exemple de Blockchain dans le domaine de la santé est le Smart contract, ou « programme intelligent ». Concrètement, il s’agit d’un petit programme autonome qui, une fois activé, exécute automatiquement les conditions définies dans le contrat. Par exemple, si un adhérent se rend dans un centre de santé, le programme détecte la prestation et autorise automatiquement le remboursement. Il peut même proposer un panier de soin adapté. Les bénéfices sont dès lors évidents : les mutuelles se libèreraient des tâches rébarbatives, tout en améliorant la qualité des prestations délivrées aux adhérents. Mais les inconvénients sont tout aussi prégnants. Comment éviter que cela ne mène à une individualisation du risque santé ? Les critères sur lesquels reposeront les Smart contract ne peuvent s’affranchir d’une prise en charge solidaire. Tout l’enjeu est là.
Quid de la protection de données ?
Selon certains experts, cette technologie constituerait par ailleurs un levier puissant pour assurer la protection de données. En effet, l’absence de « Tiers de confiance » et le cryptage des blocs rendraient inviolables les données sensibles. A l’heure où la protection des données personnelles et le Règlement général sur la protection des données (RGPD) occupent l’actualité, cette technologie pourrait donc s’avérer très utile. Il convient toutefois d’interroger deux choses. Tout d’abord, les méthodes de gouvernance. En l’absence de règles spécifiques, rien ne garantie l’effectivité de la régulation entre utilisateurs. Surtout que celle-ci suppose une maîtrise équivalente de la technologie Blockchain. Comment être sûr donc qu’elle réponde à des critères éthiques ? Ensuite, qu’en est-il de la capacité de la Blockchain à faire face à des cyberattaques ? Rien ne permet d’exclure l’hypothèse d’un piratage. Sans parler des besoins techniques nécessaires pour étendre une Blockchain à grande échelle.
La Blockchain suscite l’intérêt à juste titre, mais avant de s’en saisir, nous devons mener une profonde réflexion quant à son utilisation au service de nos valeurs.