Depuis maintenant plusieurs années, les hôpitaux publics sont soumis à une cure d’austérité sans précédent. Les lois hôpital 2007/2012, HPST et plus récemment de « modernisation de notre système de santé » (loi « Santé ») ont contribué à l’affaiblissement de l’hôpital public pourtant confronté à des demandes de prise en charge toujours plus importantes. Cette politique s’est traduite, notamment, par la fermeture de 117 471 lits hospitaliers de 1995 à 2012[1]. Loin d’être abandonné lors du quinquennat Hollande, le resserrement budgétaire a été amplifié par l’annonce en Février 2015 d’un plan de 3 milliards d’euros supplémentaires d’économies d’ici à 2017[2], qui se traduirait concrètement par la suppression de 22 000 postes d’ici 2017 et 16 000 lits[3]. Ceci signifie la casse du maillage territorial, la disparition des hôpitaux de proximité et un accès aux soins en recul pour l’ensemble des patients.

 

Une tarification contraire aux missions de l’hôpital

La T2A (tarification à l’activité) mise en œuvre par la loi HPST a bouleversé le modèle de financement des hôpitaux en les transformant en véritables entités gestionnaires poussées dans une course aux activités à forte rentabilité. La tarification à l’activité conduit à augmenter le nombre d’actes. Pour ce faire les hôpitaux sont encouragés à garder leurs patients moins longtemps, au détriment de la qualité de leur suivi. Le « virage ambulatoire » est présenté comme une alternatives à ce turn over encouragé des patients. En fonction de leur rémunération les actes médicaux « rapportent » plus ou moins à l’hôpital. Il peut en résulter dans certains cas des actes superflus et une médecine inflationniste (chirurgie de la cataracte, accouchement par césarienne).

 

Des regroupements forcés

Le dernier mouvement de fond à l’œuvre, avec la création de 135 groupements hospitaliers de territoires (GHT) parachève la réorganisation de l’activité hospitalière au travers du seul prisme de la rentabilité. L’objectif affiché est de mutualiser les coûts communs aux établissements d’un territoire pour optimiser les dépenses. Si l’objectif est louable, cela va conduire dans les faits à des hyper spécialisations des établissements, des transferts d’activités et une mobilité forcée du personnel. Les hôpitaux de proximité – s’ils subsistent – seront réduits à l’état d’annexes de l’établissement pivot du GHT. Les GHT concentreront les plateaux techniques les plus importants, les fonctions de direction et deviendront les centres de décision. Les établissements de taille moyenne perdront ainsi toute capacité de choix et les instances de dialogue avec les élus, les usagers et les personnels seront seulement informées des décisions concertées entre ARS et directions des GHT.

Ce regroupement aux forceps n’augure rien de bon ni pour la prise en charge des patients, toujours plus éloignée des bassins de vie, ni pour la qualité des conditions d’accueil et de prise en charge avec des effectifs soignants aux conditions de travail de plus en plus dégradées.

 

Des hôpitaux surendettés

Le financement par l’endettement, encouragé dans la loi hôpital 2005 /2012 pour moderniser les établissements, prévoyait la prise en charge des intérêts d’emprunts par l’État. Les hôpitaux ont donc investi pour rattraper leurs retards en équipements. En cours de réalisation de ces projets, l’État s’est désengagé et les taux d’intérêts sont venus gonfler la dette. En outre, la contraction « d’emprunts toxiques » encouragés par les Ministres de l’époque ne cesse de la faire gonfler. La majorité des établissements concernés ne peuvent plus rembourser. A cela s’est ajouté, le développement des partenariats publics privés qui a fait bondir les coûts des projets hospitaliers et a détourné les ressources de l’hôpital public. Aussi, la dette totale des hôpitaux publics représente aujourd’hui environ 29 milliards d’euros pour un chiffre d’affaire annuel de 74 milliards.

Cette situation financière inquiétante est renforcée par la combinaison de la tarification à l’activité et de l’enveloppe toujours plus resserrée de l’ONDAM qui conduisent à un déficit structurel de l’hôpital.

Les Mutuelles de France proposent de se pencher sur l’initiative du groupe de travail conduit par Oliver Verran sur la T2A qui suggère de réintégrer les logiques de parcours de soins, de coordination et de qualité comme critères de mise en œuvre d’une dotation modulée à l’activité. Celle-ci combinerait des financements par dotations, qui constitueraient un socle de ressources garanties pour l’hôpital et des financements tenant compte des prises en charge réalisées par les établissements et de leurs spécificités. Ce nouveau modèle pourrait permettre un financement plus efficient et une répartition plus équitable des ressources.

 

Redonner les moyens à l’hôpital public de remplir ses missions de service public c’est :

  • dispenser une véritable qualité de soins et d’accueil aux patients,
  • former les médecins de demain,
  • assurer la coordination entre médecine de ville et hôpital pour garantir la meilleure prise en charge des patients,
  • assumer sa mission de recherche,
  • permettre aux personnels soignants d’exercer dans des conditions dignes leur métier

 

Les mouvements des personnels hospitaliers qui se multiplient ne doivent pas être estimés comme corporatistes. Ils témoignent, au travers du mal-être au travail exprimé, de la dégradation de la prise en charge des malades qui concerne l’ensemble de la population.

 

[1] L’Humanité « Comment maintenir notre système de santé de proximité ? », 25 Février 2016

[2] Cour des Comptes « Rapport sur la Sécurité sociale », 2015

[3] SNPI, www.syndicat-infirmier.com/Hopitaux-le-ministere-va-supprimer.html