Après ses propositions pour renforcer le système hospitalier, les Mutuelles de France publient aujourd’hui leurs propositions concernant l’accès aux soins de premier recours, condition d’exercice effectif du droit à la santé. C’est un sujet d’une brûlante actualité après que l’épidémie de la COVID-19 ait rendu visibles les faiblesses du système de santé engendrées par des décennies de restrictions budgétaires. En effet, la crise est antérieure à la pandémie durant laquelle le gouvernement a tenté de gérer la pénurie à laquelle il a contribué.
 
La sortie de crise n’engage pas mécaniquement la voie du progrès. A peine sorti du confinement, les fermetures de lits et d’établissements reprennent et aucune ambition nouvelle aujourd’hui n’est portée, dans le cadre du Ségur, sur la médecine de ville.
La crise du système de santé n’est pas nouvelle
Le contenu esquissé par le Premier Ministre à l’ouverture du « Ségur de la santé » n’est ni à la hauteur des besoins de la population, ni conforme aux éléments de langage du Président de la République au  plus forts de la crise. Pendant quelques semaines, l’hôpital public est redevenu aux yeux du gouvernement, le rempart qu’il n’a jamais cessé d’être, malgré la pénurie. C’est presqu’exclusivement sur lui que la gestion de la COVID-19 a reposé. Cela ne doit pas masquer les conséquences de la crise de la médecine de ville qui entrave, dans les faits, depuis trop longtemps, l’accès à la santé et renforce les inégalités sociales et territoriales. L’un des principaux symptômes est l’accroissement de la désertification médicale dans certains territoires. Ainsi, on trouve 25 médecins généralistes pour 10.000 habitants à Paris, 14 dans la Creuse, 12 dans le Loir-et-Cher et 11 en Seine-Saint-Denis (source INSEE 2018).
 
Rendre effectif le droit à la santé réclame une remise à plat de l’organisation de l’offre de soins de premier recours avec un plan d’investissement massif dans le système de santé. C’est le sens des propositions ambitieuses publiées par la Mutualité Française le 17 juin.
Nos 9 propositions pour l’exercice effectif du droit à la santé
Réorganiser l’offre de soins
  • Définition d’une stratégie nationale pour l’accès à la médecine de premier recours. Cela passe par un schéma opposable de répartition territoriale des professionnels de santé, par une réforme des modes de rémunération et par la poursuite de l’extinction de l’exercice isolé, déjà largement engagé par les choix des jeunes médecins eux-mêmes.
  • Définition d’un plan de développement des Centres de santé. Leur organisation répond aux aspirations des nouvelles générations de médecins. Elle favorise les pratiques coordonnées autour du projet de santé de l’établissement et facilite les passerelles avec l’hôpital public et les professionnels para-médicaux. Les Centres de santé savent également accompagner les patients dans l’accès à l’ensemble des droits sociaux (Sécurité sociale, mutuelle…).
  • Création d’un pôle public du médicament au périmètre européen. L’accès aux médicaments doit être un droit universel. Ce sont des biens communs dont la crise de la COVID-19 a rappelé l’importance stratégique. De même, cette crise a révélé les conséquences graves de la logique marchande qui prédomine dans ce domaine alors même que les industries du médicament profitent largement de l’argent public (recherche, crédit d’impôts). Pour protéger les populations, la puissance publique ne peut être spectatrice. Elle doit réguler davantage et s’engager fortement dans la recherche médicale, l’approvisionnement et la production de médicaments.
  • Développement de la démarche de prévention et d’éducation à la santé dans le parcours de soins. Il s’agit de l’inscrire de manière pérenne et systématique afin qu’elle facilite durablement le droit à la santé.
Faciliter l’accès à la santé
  • Généralisation du tiers payant. Aujourd’hui, le tiers-payant est limité à la pharmacie et dans certains cas : pour les personnes en Affection de Longue Durée (ALD), les victimes d’accidents du travail ou maladies professionnelles. L’expérience des Centres de santé établit que la pratique du tiers payant est un puissant facteur d’accès à la santé.
  • Lutte contre les dépassements d’honoraires qui représentent plus de 2,5 Mds d’€ de dépenses chaque année. Pour les patients, ils renchérissent le coût de l’accès à la santé et celui de leur complémentaire maladie lorsqu’elle les prend en charge. En outre, ils interdisent, dans les faits, l’accès à certaines spécialités.
Promouvoir de nouvelles pratiques médicales
  • Développement de la délégation de tâches par exemple des médecins vers les personnels para-médicaux et généralisation des assistants médicaux. Cela doit permettre de libérer du temps médical et de renforcer la pluridisciplinarité.
  • Promotion et régulation de la télémédecine pour en faire un outil supplémentaire d’accès aux soins dans une logique pluridisciplinaire et multicanale (physique, visio, téléphone…) plutôt qu’un facteur produisant une médecine à deux vitesses. La technologie seule ne peut pas être un palliatif aux déserts médicaux : la prise en charge globale des patients, la coordination des soins, la relation humaine ou encore la qualité des soins sont autant de questions auxquelles cette pratique ne saurait pleinement répondre. La téléconsultation doit être régulée par la puissance publique et s’appuyer notamment sur des systèmes d’informations normés, interopérables et protégeant fortement les données personnelles de santé.
  • Soutien massif des pouvoirs publics au déploiement de plateaux techniques pluridisciplinaires dans les territoires afin de garantir l’accès effectif à la santé et de faciliter le parcours du patient dans des délais raisonnables. Cela répond à un enjeu de maillage territorial adapté aux bassins de vies.