Dans le cadre du projet de loi constitutionnelle, le député de l’Isère Olivier Véran (LREM) a fait voter en commission des lois un amendement supprimant de la Constitution toutes les références à la « Sécurité sociale », pour les remplacer par la notion beaucoup plus floue de « protection sociale ».
Dans son exposé des motifs, il justifie sa proposition en évoquant les mutations à l’œuvre et les nouveaux enjeux pour la solidarité nationale. Il utilise notamment le débat actuel sur le risque dépendance pour affirmer qu’une réforme constitutionnelle est nécessaire. Pourtant, rien n’empêche la Sécurité sociale de prendre en charge un nouveau risque en l’état actuel du droit. La vraie question est celle du financement, mais sur cet aspect la majorité reste silencieuse.
Cet amendement s’inscrit dans un contexte hostile pour la Sécurité sociale. Depuis plusieurs années, les logiques économiques l’ont trop souvent emporté sur l’accès à la santé et la qualité des soins. En 2018, ce sont 4,2 milliards d’euros d’économies qui ont été demandés à la branche maladie, après des coupes déjà importantes de 4 milliards d’euros en 2017 et 3,4 milliards en 2016. La convention d’objectifs et de gestion 2018-2022 entre l’État et la Caisse nationale d’assurance maladie a de surcroît fortement réduit les moyens humains et financiers dédiés à l’accès aux soins. Difficile donc de croire en la bienveillance d’une réforme qui propose de faire disparaître la « sécurité » sociale de la Constitution.
Loin d’être un détail sémantique, la modification en « protection » sociale aurait constitué une nouvelle attaque contre notre modèle solidaire.
La Sécurité sociale est une entité juridique à part entière depuis 1945. Elle s’appuie sur un code spécifique, une jurisprudence du Conseil d’Etat et la reconnaissance de l’Union européenne. À l’inverse, il n’y a pas de définition juridique de la protection sociale. On s’accorde tout au plus sur l’idée que cette dernière rassemble plusieurs mécanismes complémentaires gravitant autour d’un noyau central, constitué par la Sécurité sociale.
Le changement de terme dans la Constitution aurait fragilisé cet édifice. Il aurait ouvert une brèche permettant, entre autres, de remettre en cause le rôle central de la Sécurité sociale dans la prise en charge des nouveaux besoins de santé ou sociaux.
Entendons-nous bien : il est utile et nécessaire d’étendre le champ de la protection sociale. Mais il ne faut pas que cela serve de prétexte à de nouveaux rétrécissements de la Sécurité sociale. Les Mutuelles de France réaffirment l’engagement de la Mutualité Française, formulé lors du congrès de Montpellier, en faveur d’une protection sociale de qualité construite en premier lieu sur une Sécurité sociale de haut niveau.
Bien que la majorité ait reculé face aux pressions de plusieurs organisations politiques et syndicales, nous resterons vigilants et combattrons toute nouvelle remise en cause de notre modèle social, notamment lors de l’étude du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 2019.