L’inscription dans la loi du 26 janvier 2016, de « modernisation de notre système de santé » de l’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance sur les conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, était le fruit d’une concertation déjà engagée entre les acteurs concernés : gestionnaires de centres de santé, professionnels de santé, ARS, Assurance maladie, ministère afin de moderniser la définition des centres de santé, conforter leur fonctionnement et les adapter à un cadre conventionnel profondément rénové en 2015.
Les agissements dangereux et frauduleux révélés par l’affaire DENTEXIA ont pointé du doigt les pratiques condamnables de quelques opérateurs peu scrupuleux se prévalant injustement de la dénomination « Centre santé ». Si la première partie du rapport IGAS (2016_075R) sur cette affaire, publiée en juillet 2016, proposait des mesures pour la prise en charge des patients lésés, la deuxième partie faisant des recommandations pour éviter que de telles situations ne se reproduisent, a été remise en janvier à la ministre de la santé mais n’a toujours pas été publiée. C’est sur la seule base de ce texte « secret » que cette ordonnance a été prise.
Dans l’urgence d’une fin de mandat, il n’est pas tolérable de faire fi des principes de concertation et de bon sens, et de venir révolutionner les modes de fonctionnement des centres de santé, dans le seul objectif de tenter de corriger les pratiques de quelques uns contraires à l’ordre public.
Les centres de santé occupent une place singulière dans le système de santé français.
Quelques 1650 centres de santé agissent quotidiennement pour favoriser l’accès aux soins de premiers recours sur l’ensemble du territoire : soins médicaux, soins dentaires, soins infirmiers, actions de prévention. La non lucrativité de leurs gestionnaires fonde leur intervention sociale. Ils disposent d’un cadre conventionnel spécifique garant d’un fonctionnement concerté, reconnu et encadré.
Leur nature et leur action constituent une forme moderne et pertinente de réponse aux défis du système de santé aujourd’hui. Ils sont un maillon de l’offre de santé de proximité sur les territoires, participant pleinement à la réduction des inégalités d’accès aux soins. Ils contribuent à lutter contre la désertification médicale, en offrant un exercice regroupé attractif et source d’intelligence collective pour les professionnels de santé qui y exercent. Ils contribuent à une meilleure organisation du parcours de santé et une coordination étendue entre les acteurs de santé dans leurs territoires.
Les projets d’ordonnance et de décret affichés par le gouvernement condamnent l’ensemble des centres de santé au titre des agissements frauduleux d’une seule entité. Ils imposent, aux seuls centres de santé, un nouveau régime d’agrément à la discrétion des ARS et instaure un dispositif de prévention des conflits d’intérêt aux contours particulièrement flous. En revanche, ils ne sont pas la réponse attendue pour le développement de cette offre si spécifique, mais une punition collective face à des pratiques hors cadre. Dans ce contexte, les Mutuelles de France demandent le retrait des textes proposés et l’ouverture d’une véritable concertation conforme à l’esprit de la loi santé et à la réalité sanitaire et sociale de l’offre des centres.
Aujourd’hui, les professionnels qui y exercent ont besoin d’être confortés dans leur pratique coordonnée et les gestionnaires avec les professionnels, demandent à être entendus, écoutés et soutenus dans leur volonté de développement pour répondre aux besoins des territoires.