Personne ne doit se retrouver dans la situation de renoncer à se faire soigner pour des raisons financières : c’est un des fondements du mutualisme en France.

 

Contexte de la campagne

Le Parlement a adopté, le 14 mai 2013, la loi dite de « sécurisation de l’emploi » qui transpose les dispositions de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 11 janvier. Cette loi qui prévoit à son article 1er, la « généralisation de la complémentaire santé en entreprise privée » d’ici le 1er janvier 2016, via notamment les contrats obligatoires, va modifier en profondeur notre protection sociale.

 

Lors du congrès de la Mutualité Française de Nice en 2012, le président de la République avait annoncé sa volonté de généraliser l’accès à la complémentaire santé à tous les Français. Si le gouvernement s’est félicité au travers de cet accord de « la généralisation de la complémentaire santé à tous les Français », les Mutuelles de France ont vivement dénoncé que 4 millions de personnes, les plus précaires, seront laissés de côté car en dehors de la sphère professionnelle où se joue cette soi-disant généralisation.

La Sécurité sociale et la mutuelle : un couple indissociable pour garantir l’accès à des soins de qualité

Nous partons du constat qu’aujourd’hui l’accès à une complémentaire santé est devenu indispensable pour accéder aux soins. Cette situation est due aux reculs successifs de la prise en charge des soins par la Sécurité sociale, notamment dans le domaine des soins ambulatoires. C’est pourquoi dans ce contexte, les Mutuelles de France avaient initié une campagne dans l’objectif d’obtenir du gouvernement les moyens de donner à tous l‘accès à une mutuelle. La campagne « une mutuelle pour tous + une Sécu de haut niveau » avait pour objectif d’obtenir une réforme profonde des politiques publiques à l’égard de la protection sociale complémentaire. Notre volonté est à la fois de permettre à tous les Français, quels que soient leur statut, leur âge ou leur état de santé, de bénéficier d’une couverture qui leur permette un accès à des soins de qualité, mais aussi une utilisation efficiente des fonds publics dans un souci d’égalité entre tous les citoyens.

Un constat : les difficultés croissantes d’accès aux soins

En 2010, 16,2 % de la population métropolitaine âgée de 18 à 64 ans déclare avoir renoncé à des soins pour des raisons financières au cours des douze derniers mois[1]. C’est le cas de 32,6 % des individus non couverts par une complémentaire contre 14% pour ceux qui en bénéficient.

Ces difficultés d’accès aux soins sont en partie expliquées par les limites du système de protection sociale solidaire. L’absence de couverture complémentaire est un facteur important du renoncement aux soins alors que la CMU-C en facilite l’accès. (IRDES, 2008).

Les causes de ce renoncement aux soins ont été identifiées et combattues depuis longtemps par les Mutuelles de France : recul de la Sécurité sociale, explosion des dépassements d’honoraires, baisse de la démographie médicale.

Les Mutuelles de France décident d’agir pour la mutuelle pour tous

Dans ce contexte difficile pour notre système de protection sociale solidaire, les Mutuelles de France ont décidé de se mobiliser autour de la campagne « une mutuelle pour tous + une Sécu de haut niveau ».

Nous nous exprimons en tant que mouvement social, héritier des mobilisations à l’origine de notre protection sociale. Les Mutuelles de France basent leur intervention sur le constat d’une société solidaire mise à mal ces dernières années par la déconstruction de notre système de protection sociale.

 

Notre intervention pour demander une mutuelle pour tous s’est articulée autour de trois axes:

  1. La défense de notre modèle de protection sociale solidaire basé sur le couple Sécurité sociale et mutuelle.
  2. La revendication d’une réforme des politiques d’aide à la complémentaire santé dans le sens de la réduction des inégalités d’accès aux soins qui mette fin au gaspillage des fonds publics.
  3. L’exigence de la suppression des taxes pour permettre aux mutuelles de baisser immédiatement le montant de leur cotisation et rendre accessibles leurs couvertures.
1. Renforcer la protection sociale solidaire

La base de notre système de protection sociale solidaire est le couple indissociable constitué par la Sécurité sociale et la mutuelle. La solidarité nationale et la solidarité mutualiste s’épaulent mais ne se fondent pas l’une dans l’autre.

La solidarité nationale organisée par la loi est l’expression de la volonté générale. Elle est mise en œuvre par les régimes de base de Sécurité sociale.

La solidarité mutualiste est une solidarité choisie par des individus libres et qui ne doit être imposée à quiconque. Nous sommes attachés au caractère volontaire de l’adhésion mutualiste. Organismes à but non lucratif, les mutuelles ont pour objectif l’organisation de la solidarité entre leurs adhérents pour leur permettre d’accéder à des soins de qualité. Voilà pourquoi la mutualité a toujours voulu être pour la Sécurité sociale un partenaire privilégié. Le mouvement mutualiste ne craint pas le renforcement de la Sécurité sociale, au contraire : nous sommes avant tout des militants de la Sécurité sociale

Face aux mutuelles, on trouve les acteurs de la complémentaire santé à but lucratif qui eux considèrent la santé comme un marché et voient dans chaque recul de la Sécurité sociale une part supplémentaire de marché à conquérir. C’est cette vision qui a encouragé les reculs successifs de la Sécurité sociale qui se sont traduits par des transferts de charges devenus de plus en plus insupportables pour de nombreux Français.

Les Mutuelles de France défendent une Sécurité sociale universelle de très haut niveau capable de s’adapter à l’évolution des besoins des personnes et de prendre en charge les risques sociaux et sanitaires émergents. Ce sont les défis qui s’ouvrent aujourd’hui au système de protection sociale solidaire.

2. Réformer les politiques d’aides à la complémentaire santé

Aujourd’hui, les politiques d’aide à la complémentaire santé sont de deux types :

  • La CMU et l’ACS sont financées par le fonds CMU qui est abondé quasi exclusivement par les complémentaires santé à travers la taxe CMU. Ce fonds est en 2014 doté de 2,5 milliards d’euros et permet de couvrir 6 millions de personnes, un chiffre en hausse grâce aux évolutions réglementaires qui laissent néanmoins intactes la problématique des effets de seuil.
  • Les aides fiscales et sociales concédées aux contrats collectifs obligatoires en entreprise du secteur privé et, dans une moindre mesure, aux travailleurs indépendants sont aujourd’hui de 4,3 milliards d’euros par an. D’après le CISS, le coût total de la généralisation à tous les salariés de la complémentaire santé oscille entre 3,5 et 5,1 milliards d’euros. Une mesure onéreuse pour ne couvrir que 400 000 personnes supplémentaires. Pour mémoire, avec 2 milliards d’euros, 4 millions de personnes bénéficient de la CMU-C.

Le système actuel crée une situation dans laquelle la couverture complémentaire obligatoire d’une partie des salariés est faite au détriment de ressources supplémentaires pour la Sécurité sociale et la solidarité nationale. A l’heure où une meilleure utilisation des fonds publics est le leitmotiv du gouvernement, ce gaspillage doit interroger les responsables politiques.

Les Mutuelles de France proposent de réformer en profondeur ce système d’aide à la complémentaire santé en mettant en place un système d’aide plus lisible et efficient qui mettrait en place un système unique d’aide mettant fin à l’injustice sociale que constituent les aides aux seuls contrats collectifs obligatoires. Par ailleurs, cette mesure permettrait de limiter le coût pour l’État tout en aidant de manière équitable l’ensemble des personnes qui en ont besoin. Enfin, les Mutuelles de France demandent que les contrats complémentaires santé ouvrant droit à ces aides répondent à des critères renforcés de solidarité, de responsabilité et de non-sélection du risque.

3. Supprimer les taxes pour permettre aux mutuelles de baisser leurs tarifs immédiatement

Depuis 2008, les taxes frappant les organismes d’assurance maladie complémentaire ont été multipliées par 20. Le taux de la taxe spéciale sur les activités d’assurance portant sur les contrats solidaires et responsables d’assurance maladie complémentaire a été porté de 0 à 7 % entre 2009 et 2011. La taxe sur le chiffre d’affaires des complémentaires affectée au fonds de financement de la CMU est passée de 1,5% à 6,28% aujourd’hui.En valeur absolue, leur montant était de 177 millions en 2008 et de 3,5 milliards d’euros en 2012. Elles pèsent aujourd’hui plus de 13% des cotisations mutualistes.

Les mutuelles, sociétés de personnes à but non lucratif, n’ont d’autres choix que de répercuter cette hausse sur les cotisations de leurs adhérents. Ce sont donc les ménages qui inéluctablement payent cette taxe. Les classes moyennes et populaires, les familles et les foyers les plus modestes sont ceux pour qui la charge est la plus lourde.

Les mutuelles doivent faire face à des hausses régulières de dépenses sur lesquelles elles ont peu de prise. D’abord, l’évolution des dépenses de santé, qui augmentent entre 2,5 et 3 % par an. Ensuite, les transferts continus de charges du régime obligatoire vers les complémentaires. Ce choix politique de renchérir le coût de l’assurance complémentaire santé est ainsi de nature à menacer l’accès aux soins de certains de nos concitoyens.

La Mutualité française a mené, en 2011, une grande campagne pour demander la suppression de ces taxes injustes. La pétition a récolté plus d’un million de signatures. La Fédération des Mutuelles de France demande que le gouvernement entende cette revendication et s’engage à ce que les mutuelles répercutent cette baisse sur leurs cotisations. Cela pourrait représenter une baisse pouvant aller jusqu’à 13% des cotisations mutualistes. (lien hypertexte vers l’article)

 

L’ANI ne règlera en rien la question des inégalités d’accès à la complémentaire santé.

Au-delà des dispositions prévues par l’ANI, il est impératif de favoriser un accès à la couverture complémentaire en santé pour :

– les salariés les moins insérés dans l’emploi (titulaires d’un CDD, travailleurs à temps très partiel) ;

– les chômeurs qui ne bénéficient plus de la portabilitéde la couverture professionnelle ;

– les personnes handicapées, notamment titulaires de l’AAH ;

– les retraités, notamment les plus pauvres ;

– les jeunes étudiants et en cours d’insertion professionnelle qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune aide adaptée à leur situation ;

– les ayants-droits.

 

Si ces extensions ne sont pas envisagées, entre 50% et 80% des personnes non couvertes en 2012 le resteraient malgré la généralisation de la complémentaire (rapport Irdes juillet 2015 – lien hypertexte vers article sur ANI)

[1] Drees, Compte de la santé 2010