Cinq hommes, âgés de 28 à 36 ans sont atteints d’une forme grave de pneumopathie, la pneumocystose. Ils ont en commun d’être tous les cinq homosexuels et de vivre à Los Angeles. Le 19 septembre de la même année, l’hebdomadaire médical britannique The Lancet relate un cancer rare de la peau, le sarcome de Kaposi, chez huit hommes homosexuels new-yorkais. Au même moment, en France, le professeur Willy Rozenbaum fera le lien entre ces articles et le cas d’un patient hospitalisé dans le service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital public de la Pitié Salpêtrière, où il travaille.

 

Quatre décennies plus tard, alors que nous sommes aux prises avec une autre pandémie, celle du Sida demeure d’actualité.

Près de 40 millions de personnes, de toutes orientations sexuelles, sont mortes depuis le début de la pandémie. En 2020, autant vivent avec le VIH, mais seulement moins de 30 millions ont accès aux traitements antirétroviraux[1]. C’est pourtant grâce à ces traitements que ce qui était une affection mortelle dans les années 1980 et 1990 a tendance à devenir une maladie chronique.

 

Une petite révolution

Pour parvenir à ce résultat porteur d’espoir, il a fallu bien sûr des progrès scientifiques majeurs, à commencer par l’identification, par l’équipe de l’Institut Pasteur de Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, du virus du Sida, virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Mais il a fallu aussi une mobilisation sociale sans précédent des personnes malades et de leurs proches pour réclamer de quoi financer la recherche, pour revendiquer l’accès le plus large possible aux traitements – coûteux – une fois qu’ils ont été mis au point, et pour faire que la personne atteinte du VIH, soit  non seulement la destinataire d’une thérapie mais une véritable actrice de la lutte contre sa maladie. Une petite révolution, en somme dans l’approche de la santé publique.

Il a aussi fallu contrecarrer bon nombre de clichés. On parlait, au début des années 1980, de « cancer gay » avant de convenir que les personnes hétérosexuelles étaient aussi atteintes par le virus. Il a fallu faire face – il faut croire que c’est le lot de toute pandémie – à des réactions irrationnelles inventant des causes aussi simplistes que fantaisistes ou des « traitements miracles » s’avérant inefficaces et dangereux. Les moyens de prévention ont aussi été contestés, d’autant que, jusqu’en 1987, toute publicité pour le préservatif était interdite dans notre pays[2] !

 

Aujourd’hui, en France, 180 000 personnes vivent avec le VIH mais 1 sur 7 ignore encore sa séropositivité. Chaque année, environ 6000 personnes découvrent la leur. 26% d’entre elles la découvrent trop tardivement et sont donc privées des bénéfices d’un traitement précoce.

La stratégie de lutte contre le Sida repose aujourd’hui sur les différents moyens de dépistage, test, test rapides, autotests, sur l’accès effectif aux traitements et sur le développement de traitements pré-exposition et de traitements post exposition, efficaces s’ils interviennent rapidement. Reste aussi la lutte contre la sérophobie puisque les réactions irrationnelles face à la maladie demeurent[3]. Les personnes vivant avec le VIH peuvent être discriminées dans l’accès à l’emploi, aux services, ou dans la vie de tous les jours…

Dans la stratégie mondiale adoptée pour la période 2021-2026, ONUSIDA met l’accent sur la lutte indispensable contre les inégalités pour lutter contre le Sida : « La nouvelle stratégie mondiale de lutte contre le sida (2021-2026) vise à réduire les inégalités qui sont à l’origine de l’épidémie de sida et à placer les populations au centre des efforts déployés pour que le monde puisse mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030. Des décennies d’expérience et de preuves de la riposte au VIH montrent que les inégalités croisées entravent les progrès visant à mettre fin au sida. » [4]

 « Les Mutuelles de France partagent pleinement l’analyse d’ONUSIDA quant à l’impact lourdement défavorable des inégalités sur l’accès effectif aux soins. Contre le SIDA depuis 40 ans et sans doute pour de nombreuses années encore, le combat pour faire de la santé un droit accessible à toutes et à tous, partout dans le monde, reste d’actualité pour les militants mutualistes. »

 

 

[1] ONUSIDA, Dernières statistiques sur l’état de l’épidémie de sida : https://www.unaids.org/fr/resources/fact-sheet

[2] Ordonnance du 25 novembre 1960 abrogée par la loi du 27 janvier 1987.

[3] Fred Colby, T’as pas le Sida j’espère ?!, Librinova, 2020

[4] « Stratégie mondiale de lutte contre le Sida, 2021-2026 : mettre fin aux inégalités, mettre fin au Sida » : www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/global-AIDS-strategy-2021-2026_fr.pdf